Écrit par le blogueur invité Harold Bérubé.
Il y a 22 ans, j’entreprenais des études à la maîtrise à l’Université de Montréal, sous la direction de Michèle Dagenais. Alors que, l’année précédente, j’avais entrepris des lectures sous sa supervision sur l’histoire du nationalisme au Québec et au Canada, elle me suggéra de tourner mon attention vers un objet plus urbain : la façon dont Toronto et Montréal s’étaient efforcées d’inscrire leur histoire dans la trame plus large des récits nationaux Canadiens anglais et français à l’occasion de l’anniversaire de leur fondation dans les années 1930 et 1940.
J’amorçais, sans le savoir, un « tournant urbain » qui allait structurer le reste de ma carrière de chercheur. Deux ans plus tard, je publiais un premier article scientifique sur ce sujet dans la Revue d’histoire urbaine / Urban History Review; puis, en 2005, je me joignais à l’équipe de la revue comme responsable des comptes rendus francophones.
Dans les années qui ont suivi, j’ai eu à écrire, notamment pour des programmes de congrès et de colloques, de nombreuses courtes biographies comme celle qui accompagne ce texte. Il allait de soi pour moi que l’étiquette « histoire urbaine » y occuperait une place de choix. Et l’importance de l’histoire urbaine au sein de l’historiographie québécoise m’a toujours également semblé aller de soi.
Répondre aux questions posées par Richard Harris sur l’état de ce champ de recherche au Canada m’a toutefois permis de formuler une réflexion plus approfondie et structurée sur le sujet. Comme on le verra dans ma contribution au numéro célébrant le 50e anniversaire de la revue, un survol de la petite histoire de l’histoire urbaine au Québec et un bilan – certes impressionniste – de son état actuel suggèrent que, malgré différents défis, le champ y est en assez bonne santé.
Mais, comme le suggère notamment la contribution de Matthieu Caron à ce même numéro, différentes facettes de l’histoire des villes québécoises demeurent sous-étudiées. Et, en ces lendemains électoraux dans la « Belle province », une de ces facettes me semble être la question éminemment complexe de la place qu’occupe la métropole montréalaise dans la société québécoise et dans la façon dont elle se conçoit et se raconte comme collectivité, comme nation.
Métropole impériale britannique dans une province franco-catholique au tournant du 20e siècle, champ de bataille idéologique et linguistique durant la Révolution tranquille, ville nord-américaine confrontée aux défis relatifs à la désindustrialisation, à la diversification de l’immigration et à la mondialisation croissante de l’économie à partir des dernières décennies du 20e siècle, Montréal est au cœur de l’histoire et de l’historiographie québécoise comme espace que l’on étudie, mais, paradoxalement, les réflexions relatives à la place du fait urbain et de l’urbanité dans le passé, le présent et l’avenir de la société québécoise sont plus rares.
Heureusement, comme le suggèrent les différentes contributions rassemblées dans ce numéro, la relève semble au rendez-vous et est bien armée pour se pencher sur les racines historiques des nombreux enjeux urbains qui occupent les premières pages des médias et que certains de nos politiciens préféreraient peut-être balayer sous le tapis.
A propos de l’auteur
Harold Bérubé est professeur titulaire au département d’histoire de l’Université de Sherbrooke. Il a une formation en histoire et en études urbaines et s’intéresse à l’histoire politique et culturelle des villes et de leurs habitants. Il a récemment fait paraître, chez Septentrion, Histoire des villes nord-américaines. Ses recherches actuelles portent sur les rôles de la presse à grand tirage dans l’écosystème urbain montréalais entre 1884 et 1929, et sur les représentations de la ville dans la littérature populaire des années 1940-1950.
Son article, “L’histoire urbaine au Québec : état des lieux et perspectives,” a été publié dans la Revue d’histoire urbaine 50.1-2 Special Issue: 50 Ans D’Histoire Urbaine Canadienne/50 Years of Canadian Urban History.
Written by guest blogger Harold Bérubé.
Twenty-two years ago, I was undertaking my master’s studies at the Université de Montréal, under the supervision of Michèle Dagenais. The year before, as I was working my way through a reading list on the history of nationalism in Quebec and Canada with her as my guide, she had suggested I turn my attention to a more urban object: how Toronto and Montreal had strived to weave their histories to the wider story line of the English and French Canadian national narratives on the eve of their foundation anniversary, in the 1930s and 1940s.
Unbeknownst to me, I then engaged in an “urban turn” that was going to define my research path for the rest of my career. Two years later I published my first scientific article on that topic, here in the Urban History Review/ Revue d’histoire urbaine; and in 2005, I joined the team as editor of the French book reviews.
In the following years, I wrote several short biographies like the one at the end of this piece, especially for conventions and conference programs. It was obvious to me that the keywords “urban history” were to be foregrounded in the presentation of my work. And equally obvious to me was the importance of urban history in Quebec historiography.
Answering Richard Harris’s questions on the state of this research field in Canada, however, allowed me to deepen my thoughts on the matter. As I argue in my contributions to this 50th anniversary issue of the UHR / RHU, an overview of the story of urban history in Quebec as well as an analysis––as impressionistic as it may be––of its present situation suggests that, despite its many challenges, the field is rather healthy.
But various aspects of Quebec cities’ history remain understudied, a fact underlined by Matthieu Caron in his own contribution to this issue. As I see it, in these post-electoral days in “la Belle Province,” one of these aspects seems to be the extremely complex question of the role played by the metropolis, Montreal, in the Quebecois society and in the way this society perceives itself and tells its history as a community and a nation.
The British imperial metropolis of a mostly French Catholic province at the turn of the 20th century; an ideological and linguistic battleground during the Quiet Revolution; a North American city confronted with the challenges of deindustrialization, immigration diversification and increasing economic globalization in the last decades of the 20th century, Montreal is at the heart of Quebec’s history and historiography as a studied space; yet, paradoxically, reflections on the place of urbanity and the urban fact in the past, present and future of Quebec’s society remain rare.
Happily, though, as we can conclude from the contributions collected in this anniversary issue, the next generation seems to be here, and well equipped to tackle the historical roots of many urban issues filling the media front page today and that some of our politicians would rather sweep under the carpet.
About the Author
Harold Bérubé is a full professor at the History Department of the Université de Sherbrooke. He has an MA in history and a PhD in urban studies, and his research interests lay in the political and cultural history of cities and their inhabitants. His latest book, Histoire des villes nord-américaines, was recently published by Septentrion. He is presently working on the role of the popular press in the Montreal urban ecosystem between 1884 and 1929, and on city representations in popular literature in the 1940–1950s.
His article, “L’histoire urbaine au Québec : état des lieux et perspectives,” was published in the Urban History Review 50.1-2 Special Issue: 50 Ans D’Histoire Urbaine Canadienne/50 Years of Canadian Urban History.
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